La testostérone
est une des premières hormones stéroïdes
actives identifiées puisque Laqueur en 1935 en donna
la structure et la baptisa en référence à
son origine et à la présence d'une fonction cétone
sur la molécule (à vrai dire on connaissait déjà
l'androstérone, métabolite inactif, qui avait
lui deux fonctions cétones, et il est probable qu'il
y a eu une contamination sémantique entre elles deux).
Il
n'est pas inutile de rappeler qu'en 1932 McCullagh avait démontré
que le testicule secrétait deux substances bien différentes
qui régulaient la sécrétion des gonadotropines,
l'une soluble dans l'eau qui inhibait spécifiquement
la sécrétion de la FSH, qu'il avait appelée
inhibine, l'autres soluble dans le benzène qui inhibait
à la fois la sécrétion de la FSH et de
la LH, qu'il avait appelée androtine. Paradoxalement,
l'androtine a rapidement perdu son nom en faveur de la testostérone,
alors que l'inhibine a gardé le sien, sans doute parce
qu'elle était insaisissable (du moins jusqu'en 1984,
voir la fiche "I comme Inhibine").
La
testostérone est l'androgène par excellence. C'est
elle-seule, et son métabolite la dihydrotestostérone
(DHT), qui peut se lier aux récepteur des androgènes
avec une haute affinité. La DHEA, hormone stéroïde
proche structurellement de la testostérone et beaucoup
plus abondante qu'elle, est incapable de se lier à aucun
récepteur des hormones stéroïdes (voir la
fiche "D comme DHEA").
Depuis
30 ans, la testostérone peut être mesurée
facilement dans le sérum par radiocompétition
et son dosage en diagnostic est très répandu.
Deux questions sont actuellement à l'ordre du jour:
-
faut-il doser la testostérone totale ou la fraction libre
ou biodisponible ?
-
comment définir les déficits en testostérone
?
Nous
allons essayer d'y répondre simplement.
Marc
ROGER
PORTRAIT
La testostérone: le testicule, l'ovaire,........ le foie !
Chez
l'homme la quasi totalité de la testostérone (au
moins 90 %) provient de la sécrétion directe par
les gonades. Il n'en est pas de même chez la femme dont
seulement la moitié de la testostérone circulante
provient d'une sécrétion directe par les ovaires,
l'autre moitié étant produite par conversion des
autres androgènes ovariens ou surrénaliens, déhydroépiandrostérone
(DHEA) et androstènedione, dans les tissus périphériques.
La conséquence en est que chez l'homme les fluctuations
du taux de la testostérone reflètent bien les
fluctuations de la sécrétion testiculaire, alors
que chez la femme les variations de la testostéronémie
reflètent la production globale des androgènes,
qu'ils soient ovariens ou surrénaliens. Sur le plan sémiologique,
cette notion est tout à fait capitale.
Ceci
explique notamment l'absence de variations circadiennes de la
testostéronémie chez la femme (on peut donc faire
le prélèvement aussi bien l'après-midi
que le matin), contrairement à l'homme où le rythme
nycthéméral est très marqué.
Etre ou ne pas être disponible !
La
testostérone circule dans le sang majoritairement liée
à des protéines. Seules quelques molécules
sont libres, en solution dans le plasma. Elles sont directement
disponibles pour entrer dans les cellules cibles.
Chez
l'homme environ 50 %, chez la femme environ 20 % de la testostérone
circule liée à l'albumine. C'est une liaison faible,
facilement rompue, en sorte que cette testostérone est
également disponible pour entrer dans les cellules cibles.
L'ensemble testostérone libre et testostérone
liée à l'albumine constitue la testostérone
biodisponible, excellent reflet de l'équilibre entre
production et consommation.
Le
reste de la testostérone circulante est lié à
une protéine de transport spécifique: la Testosterone-estradiol
Binding Protein (TeBG) ou Sex Hormone Binding Globulin (SHBG).
C'est une protéine à haute affinité pour
les stéroïdes sexuels ayant une fonction hydroxyl
sur le carbone 17 (testostérone, dihydrotestostérone,
androstènediol, estradiol). Elle lie environ 50 % de
la testostérone circulante chez l'homme, 80 % chez la
femme. Sa production est soumise à de nombreux facteurs
régulateurs: hormones sexuelles, hormones thyroïdiennes,
toxiques hépatiques comme l'alcool,etc... Les variations
de la SHBG entraîent donc des variations de la testostérone
totale, qui peuvent ne pas refléter exactement les variations
de la production et donc conduire à de fausses interprétations.
Le fabuleux destin de la testostérone
Deux
voies métaboliques sont offertes à la testostérone,
la voie androgénique et la voie oestrogénique.
La
voie androgénique mène à la liaison
au récepteur de la testostérone, récepteur
structurellement apparenté aux autres récepteurs
de stéroïdes, et qui est très ubiquitaire.
Il a deux ligands préférentiels, la testostérone
et la DHT. La DHT a une meilleure affinité pour le récepteur
que la testostérone elle-même. Dans les tissus
où la conversion testostérone -> DHT est active
en raison de l'abondance de la 5-alpha-réductase (peau
pubienne, pénis, scrotum), c'est la DHT qui est l'androgène
actif. Dans les tissus sans 5-alpha-réductase comme le
muscle la testostérone est directement active. Ainsi
s'expliquent les signes cliniques du déficit en 5-alpha-réductase,
qui produit une ambiguité sexuelle majeure à la
naissance telle que les nouveaux-nés sont déclarés
de sexe féminin, mais une virilisation somatique importante
à la puberté du fait du développement musculaire.
La
voie oestrogénique mène au récepteur
de l'estradiol après action d'une aromatase présente
dans de nombreux tissus, hypothalamus, glandes mammaires, cartilages.
Cette voie est prépondérante lorsque la voie androgénique
est inefficace par absence du récepteur des androgènes:
c'est le syndrome de résistance aux androgènes
ou testicule féminisant. Elle est aussi prépondérante,
en l'absence de toute mutation, pour certaines fonctions: rétro-contrôle
des gonadotropines, maturation osseuse.
Quelle fraction doser pour un diagnostic sûr ?
Le
choix entre les 3 dosages possibles, testostérone totale,
testostérone libre, testostérone biodisponible,
fait couler beaucoup d'encre depuis 15 ans. Il faut savoir que
seul le dosage de la testostérone totale est un dosage
simple qui peut maintenant être pratiqué par certains
automates d'immunoanalyse sans extraction préalable (mais
ces techniques ne sont pas recommandées chez l'enfant,
et doivent être employées avec avec beaucoup de
vigilance chez la femme, car elles ne sont pas très exactes
aux taux faibles).
Le
dosage de la testostérone libre par des méthodes
simplifiées est tout à fait criticable et seule
la méthode de dialyse à l'équilibre est
recommandable. Malheureusement elle est laborieuse et ne peut
être mise entre toutes les mains.
Reste
le dosage de la testostérone biodisponible, qui nécessite
malgré tout une précipitation de la SHBG, manoeuvre
à la portée d'un biologiste expérimenté.
On peut donc proposer la statégie suivante:
-
chez l'enfant, doser la testostérone mais toujours par
une méthode sensible, en l'occurrence jusqu'à
maintenant radioimmunologique.
-
chez l'adulte, en dépistage, on peut se contenter du
dosage de la testostérone totale.
-
chez la femme, les taux limite supérieure ou modérément
élevés doivent être confirmés par
un dosage de la testostérone biodisponible.
-
chez l'homme âgé, le dosage de la testostérone
totale peut être trompeur du fait de l'élévation
habituelle de la SHBG et il faut préférer soit
en première, soit en deuxième intention, le dosage
de la testostérone biodisponible.
Le dosage de la testostérone et le diagnostic de l'hyperandrogénie chez la femme
Comme
on l'a suggéré plus haut, le dosage de la testostérone
totale chez la femme doit être complété
par celui de la testostérone biodisponible lorsque le
résultat n'est ni franchement normal, ni franchement
pathologique. Les publications abondent qui montrent un meilleur
dépistage biologique de l'hyperandrogénie par
ce dosage. Toutefois, n'en attendons pas des merveilles. Beaucoup
de femmes hirsutes ont une testostérone totale, une testostérone
libre et une testostérone biodisponibles dans les limites
physiologiques. Comme on ne sait pas encore mesurer simplement,
ni l'activité 5-alpha-réductase, ni l'activité
du récepteur des androgènes, on ne peut que faire
des hypothèses.
Comment définir les déficits en testostérone chez l'homme ?
Chez
l'homme jeune, tous les laboratoires exercés disposent
de valeurs de référence applicables aux tranches
d'âge 20 - 40 ans ou 20 - 50 ans. Il suffit de prendre
le 5ième percentile comme seuil de décision,
puisque le risque de considérer à tort comme déficitaire
un homme à fonction normale ne sera que de 5 %. Rappelons
que les valeurs de référence sont établies
à partir de prélèvements faits le matin
entre 8 et 9 heures ! Rappelons aussi que des valeurs de référence
bien faites englobent par définition des pics de sécrétion
et des nadirs, et qu'il n'est donc pas nécessaire de
faire plusieurs prélèvements. En cas de doute,
notamment s'il existe un facteur d'élévation de
la SHBG, on complétera par un dosage de la testostérone
biodisponible.
Chez
l'homme âgé (au delà de 60 ans), il semble
assuré que le dosage de la testostérone biodisponible
a une meilleure sensibilité et une meilleure spécificité
diagnostiques. Mais peu de laboratoires disposent de valeurs
de référence pour cet âge. Alors, faut-il
utiliser celle des hommes jeunes, comme défini plus haut
? C'est ce qui est généralement fait, mais il
n'est aucunement prouvé que cela est approprié
au diagnostic du Déficit Androgénique Partiel
du Male Agé (PADAM), entité à la mode dont
le diagnostic clinique et biologique reste dans bien des cas
une gageure.
Marc
ROGER
T comme TESTOSTERONE
Fiche d'identité
|
TESTOSTERONE
TOTALE
|
TESTOSTERONE
BIODISPONIBLE
|
TESTOSTERONE
LIBRE
|
Nature
|
Stéroïde
|
Stéroïde
|
Stéroïde
|
Sources
homme
femme
|
gonades 90
%
gonades 50
%
|
|
|
Taux de
production
homme
femme
|
10 à
15 mg / 24 h
|
|
|
Demi-vie
|
|
20 minutes
|
20 minutes
|
Formes circulantes
|
libre + liée
à SHBG + liée à l'albumine
|
libre + liée
à l'albumine
|
en solution
|
Unités
usuelles
|
|
ng/ml ou nmol/l
|
ng/ml ou nmol/l
|
Taux sériques
femmes 20-40 ans
hommes
20-40 ans
|
0.1 à
0.65 ng / ml
3 à
10 ng / ml
|
0.05 à
0.15 ng/ml
0.8 à
3.7 ng/ml
|
0.5 à
3 pg/ml
10 à
42 pg/ml
|
Intérêt
sémiologique
|
puberté
précoce
hirsutisme,
anovulation en 1ere
intention
hypogonadisme
mâle en 1ère intention
|
|
|
Métabolites
|
DHT, Estradiol,
Androstènedione par interconversion
Androstanediol
et androstanediol glucuronide
|
Excrétion
urinaire
|
testostérone,
androstérone, étiocholanolone
|
Récepteur
|
récepteur
cytosolique
|
Fonctions
|
Virilisation
du foetus (par DHT), Pilosité (par DHT)
Masse musculaire
(par testostérone)
Soudure des
cartilages (par estradiol)
|
Effets pharmacologiques
après administration
|
Chez l'homme:
Augmentation
de la DHT, de l'androstanediol et de l'estradiol
Diminution
de FSH et LH
Elevation possible
du cholestérol HDL
Augmentation
de la masse osseuse
Meilleur équilibre
masse grasse / masse maigre
Diminution
de la résistance à l'insuline
|
Formes pharmaceutiques
|
Enanthate IM
Heptylate IM
Cypionate IM
Undécanoate
oral
Testostérone
scrotale
Testostérone
dermique
Testostérone
gel
|
Androtardyl
Heptylate Théramex
Pantestone
Androgel
|
|